On abordera successivement :
1 – Distance du passage des 15 m au toucher à 1,0 Vs
1.1 – Conditions du manuel de vol : 2 crans de volets
1.2 – Extension du manuel de vol : 1 cran de volets
1.3 – Synthèse
2 – Distance du seuil au toucher
2.1 – Scénario d’approche
2.2 – Mise en équations
2.3 – Résultats
2.4 – Cohérence avec la distance des 15m au toucher à 1,0 Vs
3 – Distance de roulement du toucher à 1,0 Vs à l’arrêt avec freinage modéré et sans freinage
3.1 – Décélération de l’avion maintenu cabré à assiette constante
3.2 – Décélération de l’avion roulette de nez posée
3.3 – Recoupement des résultats avec le manuel de vol (2 crans de volets)
3.4 – Extension du manuel de vol : 1 cran de volets
3.5 – Synthèse
1 – Distance du passage des 15 m au toucher à 1,0 Vs
1.1 – Conditions du manuel de vol : 2 crans de volets
Dans le manuel de vol, les conditions adoptées pour évaluer cette distance sont les suivantes :
- Au passage des 15 m, la vitesse est égale à 1,3 Vs0, et le pilote réduit tout
- Le toucher est effectué à une vitesse de 1,0 Vs0.
A partir du passage des 15 m, on peut supposer une descente à pente γ constante suivie d’un arrondi se terminant à 1,0 Vs0. On sait que c’est un peu artificiel puisque le facteur de charge en fin d’arrondi oblige en fait à toucher à un peu plus de 1,0 Vs0, ou au moins à terminer l’arrondi à cette vitesse légèrement supérieure pour terminer par un palier de décélération horizontal avant le toucher. Mais si on voulait être rigoureux, il faudrait l’être complètement : prendre en compte, dans l’effet de sol, la variation de portance et pas seulement la variation de traînée induite , tenir compte de la non linéarité de Cz en fonction de α quand α approche αd, etc.
La suite de cette étude s’appuie sur les paragraphes 9.2 et 12.1 de la page aérodynamique qui traitent respectivement des deux phases (pente constante et arrondi) de cet atterrissage ; on se reportera à ce document pour les notations. Les formules correspondant à ces phases sont regroupées dans la feuille de calcul « Outil » du fichier Excel 15m_sol.
En faisant cette hypothèse (pente constante puis arrondi) sur l’action du pilote, deux paramètres suffisent à déterminer la distance entre le passage des 15 m et le point de toucher : la pente adoptée au passage des 15 m, et la hauteur à laquelle commence l’arrondi.
On sait en effet que si l’arrondi commence avec une pente γD à une hauteur h, la distance sol parcourue pendant l’arrondi est darr = h [1 + cos(- γD)] / sin(- γD).
Quand à la distance sol parcourue, sur la pente constante d’angle γD, entre le passage à la hauteur H = 15 m et le passage à la hauteur h de début d’arrondi, elle est de dpente = (H – h) / tg(- γD).
On a donc une distance totale du passage des 15 m au toucher
d = dpente + darr = (H – h) / tg(- γD) + h [1 + cos(- γD)] / sin(- γD) = H / tg(- γD) + h / sin(- γD)
d = [H cos(- γD) + h] / sin(- γD).
Ce résultat s’obtient directement avec un peu de trigonométrie, mais le développement ci-dessus permet de récapituler ce que nous avions vu dans la page aérodynamique.
Si on se donne γD, l’étude de l’arrondi fournit la relation entre la hauteur h et la vitesse vD au moment de l’arrondi, pour que le toucher se produise à 1,0 Vs0.
Par ailleurs, l’étude de la descente à pente constante donne la vitesse vD en fonction de h, en supposant que v = 1,3 au passage à H = 15 m.
En rapprochant les deux, la feuille « Outil » du fichier Excel 15m_sol permet, grâce à la fonction solver, de trouver quelle valeur de h convient dans des conditions données d’altitude, de température, de pression, et de la masse de l’avion. Plus précisément on entre lesdites conditions (altitude, etc.), H = 15 m, la vitesse au passage des 15 m (v = V/Vs = 1,3), et la vitesse souhaitée au toucher des roues (v = V/Vs = 1,0). L’outil calcule alors la vitesse réelle de toucher des roues en fonction de la valeur de la vitesse au moment de l’arrondi. Il suffit donc de lancer la fonction solver pour calculer automatiquement la vitesse au moment de l’arrondi qui donne la bonne vitesse de toucher des roues [ie qui minimise la différence entre la consigne (1,0 Vs) et la valeur réelle]. Evidemment, l’outil calcule aussi la hauteur d’arrondi h, la distance sol correspondant à la descente à pente constante et la distance totale des 15 m au toucher.
Analyse des données du manuel de vol
Le fichier Excel 15m_sol contient aussi une feuille de calcul « Données » qui reprend les données du manuel de vol : distance d des 15m au toucher avec 2 crans de volets pour une altitude de 0 / 4 / 8 kft, un écart de température de -20 / 0 / + 20 °C par rapport à la température standard, et une masse de 1045 / 845 kg.
Si on trace les deux courbes de d en fonction de ρ (correspondant respectivement à m = 1045 kg et m = 845 kg), on voit qu’au moins un point aberrant apparait sur chaque courbe, qui la rend non monotone.
On remarque qu’on peut regrouper les deux courbes en une seule en prenant m / ρ comme nouvelle variable. On retrouve bien sûr les mêmes points aberrants.
Il est alors intéressant de rechercher une expression approchée de la fonction d = f(m / ρ), car il sera plus facile de rapprocher le modèle d’une courbe ainsi lissée. La fonction solver permet de trouver une très bonne approximation : d # 102 + 0,21 m / ρ.
On peut l’écrire de façon équivalente mais plus parlante, en prenant comme référence le résultat dans les conditions particulières m = mMa (masse maximum à l’atterrissage) et ρ = ρ0 (niveau de la mer dans des conditions standards de température et de pression).
Posons d1 = 102 m et d2 = 0,21 mMa / ρ0 = 0,21 x 1045 / 1,225 = 179 m.
Dans le cas général, on a d = d1 + (m / ρ) (ρ0 / mMa) d2.
C’est cette formule (avec d1 = 102 m et d2 = 179 m) que nous retiendrons comme données du manuel de vol.
Résultats
Si on calcule maintenant les performances de notre modèle, en prenant une pente raisonnable de descente (60% de la pente de finesse maximum) on trouve une courbe similaire, mais on constate que d # 93 + 0,19 m / ρ (ces valeurs sont arrondies, mais c’est sans importance) ce qui donne des distances un peu courtes.
En retouchant b et c à la baisse, on arrive aisément à des résultats très proches de la cible. Ainsi, avec b = 0,0514 et c = 0,000 88, on obtient une erreur de – 0,8 à + 1,4 m ; on a alors e = 0,64 ce qui n’est pas choquant avec deux crans de volets. Si on choisit b plus faible, on améliore encore la précision mais on arrive à des valeurs de e qui me paraissent basses. A l’inverse, si on choisit b plus élevé, on a une approximation un peu moins bonne, et des valeurs de e un peu optimistes.
Non seulement les résultats ainsi obtenus sont très proches des données du manuel de vol, mais en plus, et heureusement, ils varient peu avec la pente.
Si on prend par exemple une altitude nulle, Δt = 0 et m = 1045 kg, la pente que nous avons adoptée (60% de la pente de finesse max) est de – 8,2 % et donne une distance du passage des 15 m au toucher de 282,5 m ; si on passe cette pente à – 7 %, on trouve 279,7 m (valeur sûrement un peu minorée car on n’introduit l’effet de sol qu’à l’arrondi qui commence à une hauteur de 4,6 m) ; et à – 10,5 %, on trouve
une distance de 281,8 m. Donc on voit sur cet exemple que le choix de la pente a un impact de l’ordre du mètre.
On peut trouver un écart plus grand dans des cas limites, par exemple en adoptant une forte pente après le passage des 15m pour « aller chercher l’effet de sol » au plus tôt ; mais en pratique, la conclusion est que toutes les pentes raisonnables se valent.
La réponse à la question que je posais en introduction (quelle pente de descente après le passage des 15 m ?) est donc que c’est un faux problème. Mais ce serait bien de le dire dans le manuel de vol.
Remarque
Au passage, on a une trouvé une piste intéressante, applicable immédiatement à n’importe quel avion : il suffit de rechercher les valeurs de d1 et d2 telles que la formule
d = d1 + (m / ρ) (ρ0 / mMa) d2
approxime au mieux les données du manuel de vol sur la distance des 15 m au toucher..
Nous avons vu que pour le DR 400/180, cette formule avec d1 = 102 m et d2 = 179 m n’est approximée par notre modèle qu’à quelques mètres près. Elle a donc l’avantage d’être plus précise, mais elle ne permet évidemment aucune extension aux autres conditions : vitesse de toucher différente, volets 1 cran, etc.
1.2 – Extension du manuel de vol : 1 cran de volets
Pour tenir compte des valeurs de b et c trouvées ci-dessus pour deux crans de volets, j’ai légèrement retouché les mêmes paramètres pour un cran de volets dans le fichier Excel modele afin que la polaire correspondante soit calée au mieux sur le graphique.
Il suffit ensuite de recopier l’outil de 15m_sol dans une nouvelle feuille de calcul « 1 cran », et d’y sélectionner par un « X » la case de choix en regard des paramètres a, b, c, K et αd de la configuration un cran de volets.
En utilisant comme ci-dessus la fonction solver, on trouve les distances d’atterrissage avec un cran de volets pour les mêmes cas (altitude, température et masse) que ceux donnés par le manuel de vol pour deux crans de volets.
Une petite étude montre qu’une bonne formule approchée des performances de notre modèle est alors d # 125,35 + 0,265 m / ρ ; ou encore, puisque 0,265 x 1045 / 1,225 = 226,06 m, d # 125,3 + (m / ρ) (ρ0 / mMa) 226,1 que l’on peut arrondir à
d # 125 + (m / ρ) (ρ0 / mMa) 226.
Elle est à rapprocher de
d # 102 + (m / ρ) (ρ0 / mMa) 179
que nous avons tirée de l’analyse des données du manuel de vol et prise comme objectif pour notre modèle.
Comme 125 / 102 = 1,23 et 226 / 179 = 1,26 on peut s’attendre à ce que le rapport des distances pour 1 cran et 2 crans de volets soit du même ordre de grandeur ; il est facile de vérifier que 1,25 est une bonne approximation de ce rapport : toutes choses égales par ailleurs, la distance des 15m au toucher augmente d’environ 25 % quand on passe de deux crans à un cran de volets.
1.3 – Synthèse
La distance du passage des 15 m au toucher à 1,0 Vs est donnée par
d = d1 + (m / ρ) (ρ0 / mMa) d2
Volets | d1 | d2 |
---|---|---|
1 cran | 125 m | 226 m |
2 crans | 102 m | 179 m |
Les distances d avec un cran de volets sont égales aux distances avec deux crans de volets majorées d’environ 25 %.
Ce ratio peut paraître faible, mais il ne concerne que la distance jusqu’au toucher ; il s’y ajoutera l’augmentation de la distance de roulement résultant du surcroît d’énergie cinétique (les vitesses sont données par rapport à Vs, qui augmente quand on passe de deux crans à un cran de volets) et d’un moins bon freinage aérodynamique.
2 – Distance du seuil au toucher
Contrairement aux conditions d’établissement des données du manuel de vol, le toucher est maintenant supposé effectué à une vitesse comprise entre 1,0 Vs et 1,15 Vs, c’est-à-dire avec une marge (normale) par rapport à la vitesse de décrochage.
En exprimant les vitesses par la vitesse réduite v = V / Vs, on peut écrire que la vitesse au toucher des roues est vT, telle que 1,0 ≤ vT ≤ 1,15.
En général, la trajectoire d’approche est assez dégagée pour que le pilote puisse adopter une pente aboutissant un peu avant le seuil de façon à toucher au seuil ; la distance cherchée dans le présent cas d’application est alors nulle. On se doute bien que c’est un scénario sensiblement différent qui justifie l’étude présentée ici.
2.1 – Scénario d’approche
On suppose que la trajectoire d’approche est la pente standard de 5 % aboutissant au seuil.
En désignant par vi la vitesse d’impact (virtuel !) au seuil, c’est-à-dire la vitesse à laquelle l’avion impacterait le sol en l’absence d’arrondi, la question est de savoir comment varie la distance du seuil au point de toucher en fonction de vi et de vT.
On peut, comme je l’avais fait dans une version antérieure (mais sans tenir compte de l’effet de sol…) « pinailler » sur la trajectoire en prévoyant, après la pente à 5 %, un palier horizontal de décélération au raz du sol, puis une pente descendante à 1,5 % se terminant par le toucher à la vitesse vT. Mais finalement, de façon similaire à ce qu’on a vu dans l’étude de la distance des 15 m au toucher, on s’aperçoit que le résultat varie assez peu avec la trajectoire choisie (si on néglige l’effet de sol).
Je préfère donc approximer très grossièrement cette trajectoire par un palier horizontal de décélération de vi à vT à faible hauteur, et, par contre, tenir compte de l’effet de sol. Le mieux serait de tenir compte des deux (profil de descente et effet de sol) ; mais si on introduit l’effet de sol avec des pentes non nulles, le calcul se complique…
L’avantage de ce scénario est, outre la simplicité du calcul, de ramener l’étude du roulement qui suivra le toucher des roues au cas où vT = 1,0.
Je m’explique : si l’avion touche avec une pente quasi horizontale à vT strictement supérieur à 1,0 et si le pilote continue ensuite à augmenter l’assiette pour profiter au mieux du freinage aérodynamique, les équations qui régissent la décélération de vT à 1,0 par roulement au sol sont identiques à celles qui décrivent la continuation du vol en palier horizontal jusqu’à v = 1,0 ; la seule différence est le frottement de roulement, mais ce dernier étant proportionnel à la force d’appui des roues au sol, on peut le considérer comme négligeable si le pilote soulage au maximum le train principal.
En résumé, on peut dire que le roulement à assiette croissante jusqu’à ce que v = 1,0 équivaut au vol en palier de décélération au raz du sol.
Le scénario global étudié ici est donc le suivant :
- Approche avec 1 ou 2 crans de volets à une vitesse initiale v = 1,3 sur une pente standard de 5 %, aboutissant au seuil de piste.
- Réduction en courte finale donnant une vitesse d’impact virtuel au seuil égale à vi.
- Palier horizontal de décélération (tout réduit) à une hauteur h > 0 mais faible, jusqu’à la vitesse de toucher vT.
- Si vT > 1, roulement de vT à 1 assimilable à un complément du vol en palier horizontal de décélération jusqu’à v = 1.
2.2 – Mise en équations
On utilisera les formules établies au § 9.2 de la page aérodynamique, dans l’étude de la descente, moteur réduit, sur une pente d’angle γ. On se reportera à ce document pour les notations.
On pose
- A = b
- B = – a (αd – 1) sin γ
- C = c (αd – 1)2 cos2 γ
- Δ = B2 – 4 AC.
Dans notre cas particulier, on a γ = 0 ; donc A = b ; B = 0 ; C = c (αd – 1)2 ; Δ = – 4 AC < 0.
Le résultat, assez complexe dans le cas général, se simplifie alors nettement.
Quand v passe de vi (début) à vT (fin), la distance d parcourue est donnée par
[ρ S / (2m)] d = g(vT) – g(vi)
avec
4 A g(v) = – ln(A v4 + C).
Donc 4 A [ρ S / (2m)] d = ln[(A vi4 + C) / (A vT4 + C)] (ρ / m) d = ln[(A vi4 + C) / (A vT4 + C)] / (2 A S).
(ρ / m) d apparaît comme une constante ; on peut donc écrire
(ρ / m) d = (ρ0 / mMa) d3
où d3 est la valeur de d pour les conditions particulières m = mMa (masse maximum à l’atterrissage) et ρ = ρ0 (niveau de la mer dans des conditions standard de température et de pression).
Donc d = (m / ρ) (ρ0 / mMa) d3
avec d3 = (mMa / ρ0) ln[(A vi4 + C) / (A vT4 + C)] / (2 A S).
Par ailleurs, pour tenir compte de l’effet de sol, on remplace c par Xes c, ce qui donne C = Xes c (αd – 1)2.
On devine que la prise en compte de ce coefficient sur c est plus déterminante pour le résultat final que le profil exact de la trajectoire entre le seuil et le point de toucher des roues.
Mais le choix de Xes n’est pas évident. On a vu que pour h # 0, le rapport hauteur de l’aile / envergure vaut 0,1 et donc Xes = 0,53. On calcule aisément que pour un palier à h = 1 m, Xes passe (en arrondissant) à 0,7 ; et pour h = 2 ou 3 m, Xes passe respectivement à 0,8 ou 0,9.
Le pallier à h # 0 étant une hypothèse forcément pessimiste, puisqu’elle majore l’effet de sol par rapport à sa moyenne lors d’un atterrissage normal, il me parait physiquement acceptable d’adopter Xes = 0,7.
L’outil de calcul du fichier Excel seuil_to permet de calculer, pour deux crans et un cran de volets, les valeurs de d3 correspondant à différents couples de valeurs de vi et vT.
2.3 – Résultats
Selon la vitesse d’impact virtuel vi au seuil, la distance du seuil au toucher à 1,15 Vs est donnée par
d = (m / ρ) (ρ0 / mMa) d3
Volets | d3 | ||
---|---|---|---|
vi = 1,2 | vi = 1,25 | vi = 1,3 | |
1 cran | 45,0 m | 92,9 m | 143 m |
2 crans | 35,5 m | 73,2 m | 113 m |
Les distances avec 1 cran de volets sont égales aux distances avec 2 crans de volets majorées de 27 % (le ratio varie très peu quand vi passe de 1,2 à 1,3).
La distance du seuil au toucher à 1,0 Vs est égale à celle à 1,15 Vs majorée, de 116 m avec 1 cran de volets et 91,2 m avec deux crans de volets. Comme 116 / 91,2 = 1,27, le rapport 1,27 entre distances pour 1 cran et 2 crans de volets est conservé.
On obtient alors le tableau suivant :
d = (m / ρ) (ρ0 / mMa) d3
Volets | d3 | |||
---|---|---|---|---|
vi = 1,15 | vi = 1,2 | vi = 1,25 | vi = 1,3 | |
1 cran | 116 m | 161 m | 209 m | 259 m |
2 crans | 91,2 m | 127 m | 164 m | 204 m |
Si aucun obstacle ne s’y oppose, on peut viser un point d’impact situé avant le seuil ; sachant que d3 ≥ 35,5 m et que dans le domaine couvert par le manuel de vol, (m / ρ) x (ρ0 / mMa) > 0,75 on peut forfaitairement viser 0,75 x 35,5 # 25 m avant le seuil par vent nul.
Les pilotes ont généralement bien en tête l’influence de la masse sur les distances d’atterrissage ; peut-être un peu moins l’influence de l’altitude et de la température ; et sûrement pas, car le manuel de vol n’en dit rien, l’influence de la vitesse d’approche. Or on note que la distance sol du seuil au toucher des roues varie très fortement avec la vitesse vi d’impact virtuel au seuil : quand vi passe de 1,2 à 1,3 la distance pour vT = 1,0 est multipliée par 1,6 et la distance pour vT = 1,15 est multipliée par 3,2.
2.4 – Cohérence avec la distance des 15m au toucher à 1,0 Vs
Supposons qu’au passage des 15 m le pilote plonge à vitesse constante v = 1,3.
Les équations (9) et (10) établies dans le cas de la descente sans moteur ou moteur réduit au § 6 de la page aérodynamique s’écrivent :
(9) – m dV/dt = (1/2) ρ S Cx V2 + m g sin γ
(10) (1/2) ρ S Cz V2 = m g cos γ.
A vitesse constante, dV/dt = 0 et donc
(1/2) ρ S Cx V2 = – m g sin γ.
Une étude simple conduit1 à un calcul itératif de X = sin γ par
X0 = 0
X1 = – (b / a) v2 / (αd – 1) – (c / a) (αd – 1) (1 – X02) / v2,
et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une solution stable soit obtenue au bout de quelques itérations.
Ce calcul est effectué dans le fichier Excel seuil_to.
Le résultat le plus important est que sin γ et donc γ ne dépend ni de m, ni de ρ. On trouve γ = – 6,9° pour un cran de volets, et γ = – 8,1° pour deux crans de volets. Ce qui correspond à des distances sol d4 depuis le passage des 15 m données par
d4 = 15 / tg(- γ), soit respectivement 123 m et 105 m.
Si à cette distance d4 on ajoute la distance (m / ρ) (ρ0 / mMa) d3 trouvée pour décélérer de vi = 1,3 à vT = 1,0 soit des valeurs respectives de d3 de 259 m et 204 m, on trouve une distance totale des 15 m au toucher à 1,0 Vs donnée par la formule ci-dessous :
d = d4 + (m / ρ) (ρ0 / mMa) d3
Volets | d4 | d3 |
---|---|---|
1 cran | 123 m | 259 m |
2 crans | 105 m | 204 m |
Rappelons qu’avec une approche plus « normale », c’est-à-dire avec une descente à pente plus faible (et donc à vitesse décroissante) suivie d’un arrondi amenant à toucher à 1,0 Vs, nous avions trouvé :
d = d1 + (m / ρ) (ρ0 / mMa) d2
Volets | d1 | d2 |
---|---|---|
1 cran | 125 m | 226 m |
2 crans | 102 m | 179 m |
Le rapprochement de ces résultats est intéressant : d’abord par la similitude entre les valeurs trouvées pour d1 et d4, et ensuite par une différence significative d2 et d3 # 1,14 d2.
Différence entre d2 et d3
La valeur que nous avons prise pour Xes correspond à un palier à h = 1 m, donc commencé h / tg(- γ) avant le seuil soit 8 m pour un cran de volets et 7 m pour deux crans. Ces distances sont trop faibles pour expliquer l’écart entre d2 et d3, d’autant plus qu’il faut bien à la fin du palier horizontal à h = 1 m, ajouter un peu de distance sol pour descendre jusqu’à h = 0…
Tout se passe comme s’il y avait un terme d1 ou d4 à peu près insensible à l’action du pilote, et au contraire, un terme d2 ou d3 en facteur avec (m / ρ) sensible à la façon dont le pilote réduit son énergie cinétique : s’il ralentit tout au long de la descente qui suit le passage des 15 m, il obtient un atterrissage plus court que s’il pique pour se placer en effet de sol avec une vitesse élevée. Sa stratégie d’approche est sanctionnée par la valeur de d2 ou d3, avec un impact proportionnel à (m / ρ) ce qui est conforme au bon sens : quand m augmente, il y a plus d’énergie cinétique à dissiper, et quand ρ diminue, il y a moins de traînée pour le faire.
On remarque qu’en approche « normale », d2 est en fait peu différente de la distance d3 obtenue dans le cas d’un toucher à vT = 1 après une pente à 5 % aboutissant au seuil avec une vitesse vi intermédiaire entre 1,25 et 1,3.
Cela mériterait une étude complémentaire pour confirmation, mais les remarques faites ci-dessus militent pour risquer l’affirmation suivante : dans l’expression d = d1 + (m / ρ) (ρ0 / mMa) d2 donnant la distance d’atterrissage mesurée entre le passage des 15 m et le toucher à 1,0 Vs, la distance d1 correspond à la distance sol parcourue lors d’un piqué à vitesse constante v = 1,3 après le passage des 15 m (ça, c’est vérifié) et la distance (m / ρ) (ρ0 / mMa) d2 correspond à la distance entre seuil et toucher des roues, lors d’un atterrissage avec un pente à 5% se terminant au seuil avec un impact entre 1,25 et 1,3 Vs.
Cette dernière valeur inférieure à 1,3 Vs traduit, me semble-t-il, le fait que le pilote qui profite de la descente à partir des 15 m pour décélérer atterrit plus court que celui qui descend brutalement à 1,3 Vs et se trouve ensuite pénalisé par l’effet de sol.
3 – Distance de roulement du toucher à 1,0 Vs à l’arrêt avec freinage modéré et sans freinage
La remarque faite au § 2.1 ci-dessus sur l’équivalence entre roulement à assiette croissante jusqu’à ce que v = 1,0 et vol en palier de décélération au raz du sol, permet de n’étudier le roulement qu’à partir de v = 1,0.
La phase de roulement se décompose alors en
- toucher du train principal à vT = 1,0 ou roulement à assiette croissante jusqu’à v = 1,0
- freinage aérodynamique de l’avion maintenu cabré
- retombée rapide de la roulette de nez (on négligera cette phase de transition)
- décélération jusqu’à arrêt complet due au freinage aérodynamique, à un freinage au frein et aux diverses forces de frottement.
Lors d’une version antérieure de ce site j’avais étudié les scénarios possibles quant au cabrage de l’avion après le toucher des roues : assiette constante, assiette croissante en cas de toucher à vitesse supérieure à 1,0 Vs, etc. Pour chaque scénario se posait la question de savoir combien de temps la gouverne de profondeur permettait de maintenir l’avion cabré, ce qui conduisait à des calculs assez impressionnants, et finalement à des résultats moyennement crédibles étant données les hypothèses simplificatrices sur l’écoulement de l’air autour de ladite gouverne de profondeur. De plus, la multiplicité des scénarios conduisait à une trop grande complexité de la stratégie (maintien de l’avion cabré pour profiter du freinage aérodynamique ou au contraire retombée de la roulette de nez pour profiter des freins).
J’ai préféré, dans cette nouvelle version, diminuer le nombre de cas étudiés et privilégier la simplicité des calculs.
On supposera donc que la phase où l’avion est maintenu cabré est caractérisée par une assiette constante pendant quelques (typiquement 3) secondes.
Pour toute cette étude on utilisera les formules établies au §13.1 de la page aérodynamique.
Elles sont reprises dans le fichier Excel roul_att . Les deux feuilles de calcul « Volets 2 crans » et « Volets 1 cran » traitent les deux configurations d’atterrissage.
3.1 – Décélération de l’avion maintenu cabré à assiette constante
On se place pour cette phase dans le cas où, au départ (instant t1 = 0), la vitesse est v1 = vT = 1,0 et à l’arrivée (instant t2), la vitesse est v2.
On a alors α = αd, Cz = Czmax = a (αd – 1) et Cx = b + Xes c α2 = b + Xes c αd2 où Xes = 0,53 (pour rendre compte de l’effet de sol au niveau de la piste).
L’équation (1) θ + K = γ + α donne θ = γ + α – K
Les feuilles de calcul « Volets 2 crans » et « Volets 1 cran » donnent, pour chaque configuration, la durée t2 – t1 et la distance Δd parcourue, en fonction de v2 et du coefficient de frottement F.
3.2 – Décélération de l’avion roulette de nez posée
L’avion est maintenant en ligne de vol. Plus précisément, θ = γ et donc l’équation (1) θ + K = γ + α donne α = K.
Cela permet de calculer Cz = a α et Cx = b + Xes c α2 ; je fais ici l’hypothèse que Xes reste égal à 0,53, mais je n’ai aucune source confirmant que ce coefficient reste constant quand la portance diminue (il me parait en fait évident sur le plan physique que Xes remonte vers 1, mais selon quelle loi ?).
En plus du freinage aérodynamique apporté par le terme Cx, l’avion bénéficie du frottement de roulement dû au roues augmenté du freinage appliqué par le pilote ; nous traduirons ce freinage par l’augmentation du coefficient de frottement F.
Les feuilles de calcul « Volets 2 crans » et « Volets 1 cran » donnent, pour chaque configuration, la distance Δd parcourue en fonction du coefficient de frottement (+ freinage) F.
3.3 – Recoupement des résultats avec le manuel de vol (2 crans de volets)
Le manuel de vol donne la distance de roulement dans les mêmes conditions que la distance du passage des 15 m au toucher ; c’est-à-dire en supposant 2 crans de volets, un toucher à 1,0 Vs, une altitude de 0 / 4 / 8 kft, un écart de température de -20 / 0 / + 20 °C par rapport à la température standard, et une masse de 1045 / 845 kg.
Pour chaque cas, la distance de roulement est donnée sans frein sur herbe, ou avec un freinage modéré sur piste en dur ou en herbe. Interprétation : sans frein, F # 0,1 (valeur habituelle pour une piste en herbe) ; et avec frein, F est significativement plus élevé, et le freinage est adapté pour compléter le frottement dû au sol (on voit mal que F soit grand devant 0,1 au point que la nature de la piste importe peu).
Par ailleurs, on remarque que d # (m / ρ) (ρ0 / mMa) d5 avec d5 = 376 m sans frein sur herbe, et d5 = 250 m avec un freinage modéré sur piste en dur ou en herbe. C’est rassurant puisque notre modèle donne d proportionnelle à (m / ρ).
Sans frein sur herbe
Si on regarde le résultat avec F = 0,1 dans les deux phases (avion cabré et roulette de nez posée), on obtient une valeur une peu élevée pour d.
Avec une retombée de la roulette de nez à v = 0,86 (ce qui donne t2 – t1 = 2,8 à 3,8 s) il faut F = 0,088 pour retrouver au mieux les données du manuel de vol ; l’erreur varie alors de – 6,6 m à + 5,8 m (hormis un point aberrant du manuel de vol qui donne une erreur de 11,7 m (mais sur 440 m…).
Avec une retombée de la roulette de nez à v = 0,8 (ce qui donne t2 – t1 = 4,1 à 5,5 s) on raccourcit d5 d’environ 6 m, et il faudrait F = 0,086 pour retrouver les données du manuel de vol comme précédemment.
Inversement, avec une retombée de la roulette de nez à v = 0,92 (ce qui donne t2 – t1 = 1,6 à 2,1 s) on rallonge d5 d’environ 7 m, et il faudrait F = 0,09 pour retrouver les données du manuel de vol comme précédemment.
On voit que notre modèle est tout à fait conforme aux données fournies par la littérature ; F = 0,088 au lieu de 0,1 c’est même inespéré…
Mais en dehors de cette auto-congratulation bien méritée, on peut en tirer des informations intéressantes : on a intérêt à maintenir l’avion cabré pendant au moins trois secondes, plutôt que de laisser retomber la roulette de nez trop tôt ; à 1 s de cabrage en plus ou en moins correspondent environ 4 m sur la distance de roulement. C’est peu comparé aux diverses incertitudes (vent, coefficient de frottement de la piste, etc.) mais néanmoins, ce n’est pas à négliger. Surtout, ce n’est pas linéaire : si on laisse retomber immédiatement (à v = 1,0) la roulette de nez, la distance est augmentée de 19 m.
A titre indicatif, la distance de roulement fait plus que doubler quand on passe d’un coefficient de frottement F = 0,09 (herbe) à un coefficient de frottement F = 0,02 (asphalte). On sent que dans ce cas, le freinage devient intéressant et qu’on ne va pas éterniser la phase de freinage aérodynamique.
Freinage modéré sur piste en dur ou en herbe
Si on regarde maintenant ce qui se passe avec F = 0,088 dans la première phase supposée durer environ 3 s (avion cabré puis retombée de la roulette de nez à v = 0,86), on voit que pour retrouver au mieux les données du manuel de vol, il faut que F = 0,168 dans la deuxième phase.
Il ne s’agit là que d’un doublement du coefficient F par rapport à l’arrêt sans frein sur piste en herbe ; le qualificatif de « freinage modéré » est donc justifié.
Si le pilote laisse immédiatement retomber la roulette de nez (donc dès v = 1), la distance de roulement est raccourcie de 15 m.
Si au contraire il attend v = 0,8 (on a déjà vu que t2 – t1 = 4,1 à 5,5 s), il rallonge la distance de 9 m : chacune des premières secondes avion cabré pénalise de l’ordre de 5 m, et ça augmente avec le temps.
Ceux qui en doutent pourront le vérifier numériquement avec les outils Excel, mais il parait clair que dans ce cas de freinage modéré, si la piste est en dur, sèche (et un peu courte…) le pilote aura intérêt à poser plutôt à 1,15 Vs et à laisser retomber la roulette de nez sans tarder.
3.4 – Extension du manuel de vol : 1 cran de volets
Il suffit de passer à la feuille de calcul « Volets 1 cran » identique à la feuille « Volets 2 crans » et d’y sélectionner par un « X » la case de choix en regard des paramètres a, b, c, K et αd de la configuration un cran de volets.
Avec les mêmes valeurs de F que ci-dessus (F = 0,088 sur herbe, et F = 0,168 en freinage modéré), et en adaptant la vitesse de retombée de la roulette de nez pour que t2 – t1 reste de l’ordre de 3 s (soit v = 0,89), on trouve immédiatement d5 = 425 m sans frein sur herbe, et d5 = 274 m avec un freinage modéré sur piste en dur ou en herbe.
On remarque que par rapport à l’atterrissage avec 2 crans de volets où on avait respectivement 376 m et 250 m, la distance de roulement avec 1 cran de volets augmente de 13 % sans frein sur herbe et 8 % avec un freinage modéré sur piste en dur ou en herbe.
Dans le cas de l’atterrissage sans frein sur herbe, on constate que si on retarde la retombée de la roulette de nez, on ne gagne que 2 m par seconde de cabrage supplémentaire. Mais comme dans le cas de l’atterrissage avec 2 crans de volets, il ne faut pas pour autant négliger la phase de cabrage car ce n’est pas linéaire : si on laisse retomber immédiatement (à v = 1,0) la roulette de nez, la distance est augmentée de 9 m.
Dans le cas du freinage modéré sur piste en dur ou en herbe, si le pilote laisse immédiatement retomber la roulette de nez (donc dès v = 1), la distance de roulement est raccourcie de 25 m.
Si au contraire il attend v = 0,82 (on a alors t2 – t1 = 5 s), il rallonge la distance de 16 m : chaque seconde avion cabré pénalise de l’ordre de 8 m.
Encore plus nettement qu’avec 2 crans de volets, le pilote doit limiter la durée du cabrage après le toucher des roues. Et là-aussi, il gagnera à toucher à 1,15 Vs plutôt que 1,0 Vs s’il sait pouvoir freiner (piste sèche).
3.5 – Synthèse
La distance de roulement du toucher à 1,0 Vs à l’arrêt est donnée par
d = (m / ρ) (ρ0 / mMa) d5
Volets | d5 | ||
---|---|---|---|
Sans frein sur herbe | Freinage modéré sur piste en dur ou en herbe |
||
1 cran | 425 m | 274 m | |
2 crans | 376 m | 250 m |
Suite conseillée : conclusions.