On abordera successivement :
1 – Notations
1.1 – Atmosphère
1.2 – Avion
2 – Hypothèses pour l’atterrissage
3 – Stratégie de pilotage
3.1 – Choix de la pente après le passage des 15 m
3.2 – Stratégie de décélération après le toucher du train principal
4 – Distance d’atterrissage
4.1 – Distance entre un repère et le point où V = Vs
4.2 – Distance de roulement depuis la vitesse de 1,0 Vs jusqu’à l’arrêt complet
5 – Calcul des distances d’atterrissage – Outil Excel
1 – Notations
1.1 – Atmosphère
Les notations et formules utilisées ici sont exposées plus complètement dans la page atmosphère qui elle même renvoie à une présentation plus complète pour les détails.
Notre avion évolue dans une atmosphère en tout point de laquelle on définit
- l’altitude Z, hauteur mesurée par rapport au niveau de la mer, en kft ;
- la pression p en hPa
- l’altitude pression Zp, fonction de p définie par référence à l’atmosphère standard
- la température t en °C, ou la température absolue T = 273,15 + t en K
- la masse volumique de l’air ρ en kg/m3
On définit les valeurs standards suivantes :
- p0std = 1013,25 hPa ; dite pression standard au niveau de référence
- t0std = 15 °C ou T0std = 273,15 + 15 = 288,15 K ; dite température standard au niveau de référence
Si en un point de l’atmosphère on a à la fois p = p0std et T = T0std alors ρ = ρ0std = 1,225 kg/m3
Le niveau de référence est défini par le fait que p0std = 1013,25 hPa (surface isobare 1013).
Dans le cas général (dont l’atmosphère standard n’est qu’un cas particulier), les formules suivantes s’appliquent :
- A toute pression p, et donc à toute altitude pression Zp, correspond une température standard Tstd = T0std – µ Zp avec µ = 1,9812 pour Zp en kft. L’écart entre température réelle et température standard est noté Δt = T – Tstd
- La masse volumique de l’air est donnée par ρ = ρ0std (Tstd / T0std)α-1 (Tstd / T)
- Le QFF étant la valeur de la pression atmosphérique au niveau de la mer, un aérodrome d’altitude Z est à une altitude pression Zp donnée par la formule :
Zp # ZQFF + [(T2 + 2 µ Z Δt)1/2 – T] Tstd / (µ Δt)
avec
ZQFF # 0,0276 (p0std – QFF)
Tstd = Tstd(ZQFF) = T0std – µ ZQFF
et T = Tstd + Δt
On peut aussi utiliser la formule approchée (applicable avec une précision correcte jusqu’au FL 100):
Zp # ZQFF + Z [T0std / (T0std + Δt)] ; toujours avec ZQFF # 0,0276 (p0std – QFF).
L’atmosphère est dite standard si et seulement si QFF = p0std = 1013,25 hPa (le niveau de référence est le niveau de la mer) et Δt = 0. On a alors ZQFF = 0 et Zp = Z.
1.2 – Avion
m : masse de l’avion ; mMa : masse maximum à l’atterrissage (1045 kg pour le DR400/180).
Vs : vitesse de décrochage dans la configuration choisie (un cran ou deux crans volets), proportionnelle à (m / ρ)1/2.
2 – Hypothèses pour l’atterrissage
Deux approches sont étudiées :
- approche au moteur à 1,3 Vs puis tout réduit au passage des 15 m
- approche sur une pente à 5 % aboutissant au seuil de piste
On suppose, comme le fait le manuel de vol, que la vitesse de toucher des roues est égale à Vs.
Néanmoins, l’étude du deuxième cas (pente à 5 %) montre qu’il est à peu près équivalent de toucher à 1,0 ou à n’importe quelle valeur comprise entre 1,0 Vs et 1,15 Vs dès lors qu’au roulement, jusqu’à atteindre une vitesse égale à Vs, on accroit progressivement l’assiette pour minimiser la force de contact au sol du train principal.
3 – Stratégie de pilotage
3.1 – Choix de la pente après le passage des 15 m
L’étude détaillée de l’atterrissage montre que la réponse à cette question que je posais en introduction est que c’est un faux problème car en pratique, toutes les pentes raisonnables se valent. Mais ce serait bien de le dire dans le manuel de vol.
Par pente raisonnable, j’entends par exemple que le pilote ne se parachute pas après un palier de décélération trop haut, ou qu’au contraire il ne plonge pas à vitesse croissante après le passage des 15m pour « aller chercher l’effet de sol » au plus tôt.
3.2 – Stratégie de décélération après le toucher du train principal
A la vitesse d’atterrissage, le freinage aérodynamique avion cabré au maximum est plus efficace que l’association frottement de roulement roulette de nez posée sur herbe + freinage aérodynamique (en ligne de vol). Il faut donc, en cas d’arrêt sans frein, profiter le plus possible de ce freinage aérodynamique et retarder la retombée de la roulette de nez. Mais la décélération pendant le roulement fait diminuer le freinage aérodynamique de l’avion cabré, et le frottement de l’avion roulant sur sa roulette de nez (frottement qui d’ailleurs augmente, voir étude détaillée) finit par devenir plus efficace. Il est alors préférable de laisser retomber la roulette de nez.
Par contre, si on ajoute au frottement de roulement sur l’herbe (et a fortiori sur piste en dur) un freinage modéré, le freinage au frein roulette de nez posée est d’emblée plus efficace que le freinage aérodynamique de l’avion, même maintenu cabré au maximum. Donc en cas d’arrêt avec frein, il conviendra au contraire du cas précédent de laisser retomber la roulette de nez assez vite pour profiter au mieux du frein.
L’étude détaillée de l’atterrissage permet d’être plus précis :
- En cas d’arrêt sans frein sur piste en herbe, il faut maintenir l’avion au cabrage maximum pendant typiquement 3 secondes après le passage à V = Vs (que le toucher ait eu lieu à cette vitesse ou à une vitesse légèrement supérieure) avant de laisser retomber la roulette de nez.
Avec deux crans de volets, on raccourcit un peu la distance de roulement en cabrant l’avion encore plus longtemps si le centrage le permet : on gagne 4 m par seconde de cabrage supplémentaire. Le gain n’est que de la moitié (2 m par seconde de câbrage supplémentaire) avec un cran de volets, donc pratiquement sans intérêt. - En cas de freinage modéré sur piste en dur ou en herbe, on peut maintenir l’avion au cabrage maximum pendant typiquement 3 secondes, après le passage à V = Vs ; c’est ce que les données chiffrées ci-dessous prennent comme hypothèse de travail pour le calcul de la distance de roulement.
Néanmoins, on gagnera à laisser retomber la roulette de nez plus tôt de façon à appliquer plus tôt le freinage. Si on le fait dès que V = Vs (donc sans attendre 3 s) on gagne en moyenne 15 m avec deux crans de volets, et 25 m avec un cran.
Bien que cela n’ait pas été étudié ici, et ne soit pas pris en compte dans les distances d’atterrissage chiffrées ci-après, il est probable que le gain à laisser retomber la roulette de nez dès le toucher soit encore plus important si ce toucher a lieu à une vitesse supérieure à Vs.
4 – Distance d’atterrissage
On peut décomposer l’atterrissage en deux phases :
- jusqu’à la vitesse de 1,0 Vs (que l’avion touche à 1,0 Vs ou ait déjà touché à une vitesse supérieure)
- roulement depuis la vitesse de 1,0 Vs jusqu’à l’arrêt complet.
4.1 – Distance entre un repère et le point où V = Vs
La distance mesurée entre un repère (passage des 15 m, ou seuil de piste) et le point auquel l’avion roule à 1,0 Vs avec une assiette maximum est donnée par les deux tableaux suivants :
Repère = passage des 15 m
d = d1 + (m / ρ) (ρ0 / mMa) d2
Volets | d1 | d2 |
---|---|---|
1 cran | 125 m | 226 m |
2 crans | 102 m | 179 m |
Repère = seuil de piste (distance selon la vitesse d’impact virtuel Vi au seuil)
d = (m / ρ) (ρ0 / mMa) d3
Volets | d3 | |||
---|---|---|---|---|
Vi = 1,15 Vs | Vi = 1,2 Vs | Vi = 1,25 Vs | Vi = 1,3 Vs | |
1 cran | 116 m | 161 m | 209 m | 259 m |
2 crans | 91,2 m | 127 m | 164 m | 204 m |
Si le toucher est effectué à 1,0 Vs, cette distance d coïncide avec celle qui sépare le passage des 15 m et le point de toucher.
Si le toucher est effectué à 1,15 Vs, la distance du passage des 15 m au point de toucher est obtenue en retranchant de d la distance Δd du palier horizontal de décélération en vol depuis 1,15 Vs jusqu’à 1,0 Vs, justement donnée par la première colonne du tableau :
- Δd = (m / ρ) (ρ0 / mMa) 116 avec un cran de volets
- Δd = (m / ρ) (ρ0 / mMa) 91,2 avec 2 crans de volets.
On note que la distance du passage des 15 m au point de roulement à 1,0 Vs est la somme
- d’une distance d1 (125 ou 102 m selon les volets), indépendante de ρ et de m,
- et d’une distance (m / ρ) (ρ0 / mMa) d2 [dépendant donc du rapport m / ρ].
L’étude détaillée de l’atterrissage montre que la première distance (d1) est à très peu près, la distance sol correspondant à la plongée à une vitesse constante de 1,3 Vs depuis le passage des 15 m jusqu’au raz du sol (distance également indépendante de ρ et de m.
La comparaison des tableaux montre que pour la deuxième distance, d2 est la valeur prise par d3 (distance seuil-toucher des roues) pour une vitesse d’impact Vi comprise entre 1,25 Vs et 1,3 Vs.
Cette valeur de Vi inférieure à 1,3 Vs traduit, me semble-t-il, le fait que le « bon pilote » qui profite de la descente à partir des 15 m pour décélérer atterrit plus court que celui qui descend brutalement à 1,3 Vs et se trouve ensuite pénalisé par l’effet de sol.
4.2 – Distance de roulement depuis la vitesse de 1,0 Vs jusqu’à l’arrêt complet
Cette phase de roulement se décompose en
- une étape de freinage aérodynamique durant laquelle le pilote maintient l’avion cabré à assiette constante
- une étape de roulement roulette de nez posée ;
conformément au manuel de vol du DR 400, on distingue alors le cas de l’arrêt sans frein et le cas de l’arrêt avec freinage modéré
La distance correspondant à cette phase est donnée par le tableau suivant :
d = (m / ρ) (ρ0 / mMa) d5
Volets | d5 | ||
---|---|---|---|
Sans frein sur herbe | Freinage modéré sur piste en dur ou en herbe |
||
1 cran | 425 m | 274 m | |
2 crans | 376 m | 250 m |
5 – Calcul des distances d’atterrissage – Outil Excel
Grâce aux formules fournies au paragraphe 1 – Notations, on peut pour toute altitude Z et connaissant le QFF et Δt, calculer l’altitude pression Zp puis la masse volumique de l’air ρ.
Posons alors C = (m / mMa) x (ρ0std / ρ)
C = (m / mMa) (T0std – μ Zp + Δt) T0stdα-1/ (T0std – μ Zp)α
Toutes les distances calculées avec le modèle peuvent s’écrire d = dA + C dB.
Remarque : sans créer le moindre modèle, on peut, à partir de deux exemples d’une distance d quelconque
(distance des 15m à l’arrêt, distance de freinage, etc.) fournis par un manuel de vol, exprimer d sous la forme d =
dA + C dB.
La seule contrainte est que les deux exemples correspondent à des valeurs de C assez différentes pour que les incertitudes sur les données (par exemple si les distances fournies sont arrondies à 5 m près) soient négligeables.
D’où l’outil de calcul Excel atterris.xls (pour le récupérer, clic droit et « Enregistrer la cible sous… » ou page Téléchargement) très simple à utiliser et pouvant être transposé dans une calculatrice programmable, qui réalise les calculs successifs suivants :
- Z, QFF, Δt –> Zp
- Zp, Δt, m –> C
- C –> d = dA + C dB
Deux méthodes sont proposées :
- La feuille de calcul « Calcul direct » calcule Zp par la formule la plus précise fournie au $ 1.1
- La feuille de calcul « Evaluation de C » applique la formule approchée un peu moins précise fournie également au $ 1.1pour réaliser un tableau fournissant C [en fait 100 x (C -1)] en fonction de Z, QFF, Δt et m (et, au passage, les vitesses indiquées essentielles).
Avec la valeur de C ainsi trouvée, la feuille de calcul « Distances en f° de C » donne les distances d’atterrissage dans les différentes hypothèses.
L’avantage de cette deuxième méthode est de fournir un tableau que l’on peut imprimer et utiliser sans ordinateur.
Exemple : Z = 3 400 ft ; Δt = + 10 °C ; QFF = 1003 hPa ; m = 1000 kg
- La première méthode donne
distances en m | Volets 1 cran | Volets 2 crans |
---|---|---|
des 15 m au toucher à 1,0 Vs | 374 | 299 |
du seuil (à 1,2 / 1,25 / 1,3 Vs) au toucher à 1,0 Vs | 177 / 230 / 285 | 140 / 181 / 225 |
roulement après toucher à 1,0 Vs freinage modéré / sans frein |
302 / 468 | 275 / 414 |
- La deuxième méthode donne
distances en m | Volets 1 cran | Volets 2 crans |
---|---|---|
des 15 m au toucher à 1,0 Vs | 369 | 295 |
du seuil (à 1,2 / 1,25 / 1,3 Vs) au toucher à 1,0 Vs | 174 / 226 / 280 | 137 / 177 / 220 |
roulement après toucher à 1,0 Vs freinage modéré / sans frein |
296 / 459 | 270 / 406 |
On constate un écart variant de 3 à 9 m (sur 470). Il est négligeable en pratique devant les autres incertitudes (état de la piste, vent, etc.).
Cet écart est dû principalement au fait que les arrondis successifs nous ont conduit à C = + 8 [soit en fait 1,08] alors que le calcul rigoureux donne C = 1,10. Si, par exemple, on avait arrondi le QFF, comme conseillé dans le
tableau, à la valeur inférieure soit 1000 hPa, et Zp (également comme conseillé dans le tableau) à la valeur supérieure on aurait trouvé Zp = 3400 – 100 + 350 = 3 650 arrondi à 4000 ft, d’où finalement C = + 10.
Cette remarque montre que le pas de calcul est suffisamment faible pour que le choix des arrondis soit sans incidence pratique : le pas choisi pour C, et donc pour les distances estimées, est de 2 %. On pourrait aisément faire plus précis, mais ce serait au détriment de la facilité d’utilisation des tableaux. Et de plus, inutile.
Suite conseillée :
Comme son titre l’indique, la présente page termine l’étude du DR400 que je voulais mener pour comprendre un peu mieux cet avion.
On peut certainement compléter cette étude, c’est l’objet d’une page consacrée à la suite.
Si vous êtes arrivé directement ici sans passer par la présentation du modèle mathématique du DR400 ni par l’étude de l’atmosphère, tout ce qui est écrit ici a dû vous paraitre parachuté. Je vous encourage à remonter au début de la partie aviation de ce site, où vous trouverez les liens conseillés pour une lecture plus complète.